Big is beautiful!

Ces dernières décennies ont été marquées par le retour en force de la discrimination malgré la conséquence humainement dramatique que l’on a connue pendant la Seconde Guerre Mondiale pour ne citer que cet exemple. Pourtant, il n’y a pas qu’en terme de discrimination « raciale » qu’il y a de la haine (quand bien même je déteste le terme de « race ») et un nouveau genre de ségrégation est apparue. Comme le dit le vieil adage, diviser pour mieux régner n’est-ce pas. Ainsi, on voit apparaître en force la stigmatisation du « gros », du « rond ». Partout on fait la chasse à la cellulite, aux bourrelets, aux poignées d’amour et plus encore en période de demi saison, quand le soleil pointe son nez.

Que ce soit à la télévision, dans les magasines de mode, les silhouettes s’affichent de plus en plus fines voire squelettiques. Depuis quelques années une vaste campagne vise à promouvoir le « manger bouger » entérinant encore plus le fait qu’avoir un corps svelte et athlétique est une norme sociale. Je ne dénonce pas le fait de manger équilibré, loin de moi cette idée, mais ce martelage publicitaire et médiatique contribue à sacraliser la maigreur. A mon sens, c’est à nouveau une dérive du capitalisme qui a conduit à considérer le corps comme un objet, un outil à consommer et que l’on consomme. D’ailleurs, la recherche du corps parfait est intimement liée au capitalisme et à la société de consommation de masse comme vous pouvez le constater avec tous ces produits pour prendre soin de sa ligne, que ce soient tous ces aliments pauvres en matière grasse, sans cholestérol, tous ces médicaments dont on ne connaît même pas les effets cliniques réels ou encore toutes ces machines pour faire du sport et donc l’usage peut s’avérer également dangereux quand on ne sait pas les utiliser.

Big is Beautiful!

Cette culture du mince est pourtant très violente, d’une part par le discours que l’on vous livre, puisque l’on postule ouvertement qu’être « gros » est grave et que c’est disgracieux mais cela a des conséquences désastreuses sur les individus à commencer par les adolescents et surtout les adolescentes, puisque comme d’habitude, à qui exige-t-on d’être d’une beauté parfaite? Au femmes, évidemment. Or comme je vous le disais, beaucoup tombent dans le piège de la course au corps parfait et se retrouvent au final dans la course au poids le plus petit possible. C’est ainsi que l’on se retrouve avec des individus qui tombent dans le carcan infernal de l’anorexie et de la boulimie et qui s’affichent sur internet souvent des corps amaigris dans ce qu’il appellent « the thinspiration », association du mot anglais « thin » qui signifie « maigre » et de « inspiration » qui est un mot transparent pour imiter ces modèles s’affichant eux aussi de plus en plus maigres sur les podium. Si être atteint d’obésité morbide peut mettre en péril la santé, on oublie trop souvent de dire qu’une mauvaise alimentation alliée à un excès de sport peuvent être également très dangereux, preuve en est les différents scandales de mannequins décédés d’anorexie, sans même parler des milliers d’autres anonymes qui en sont également victimes.
Pourtant, l’institut français du textile et d’habillement, régulièrement, dresse une typologie du français moyen et l’on se trouve bien loin du modèle prôné par la publicité et le milieu de la mode: la française type mesure 1m62 et pèse 62 kilos.

Size zero, size nothing.
Taille zero, taille rien.

Ce n’est pas pour autant que les chaînes de prêt-à-porter prennent comptent de ce constat, c’est même le contraire puisqu’une récente étude publiée par Rue89 en partenariat avec un site de vente en ligne révèle que les femmes portant du 34 qui représentent 0,7% des femmes ont 20 fois plus de choix de vêtements que les femmes portant du 46 qui elles représentent déjà 9% des femmes. Cela représente 14% des vêtements disponibles pour la taille 34 contre seulement 0,6% de choix pour celle qui portent du 46. C’est ce qui pour moi, relève du schisme, tout simplement.

Par ailleurs, les professionnels de la mode se défendent très régulièrement de ne pas véhiculer d’image prônant la maigreur et de n’être, en outre, nullement responsables d’une quelconque incitation à la maigreur voire à l’anorexie. Or, j’en viens clairement à me poser la question de leur innocence quand je vois les propos décomplexés que tiennent certains comme Delphine Apiou, pour ne citer qu’elle , rédactrice en chef de Biba, qui a  très récemment tenus des propos grossophobes. Invitée sur Chérie 25 et interrogée sur la maigreur des mannequins justement, elle débitait à une vitesse incroyable un nombre incalculable d’obscénités sur les femmes rondes dont voici quelques extraits:

  • “La mode va mieux aux minces qu’aux grosses”,
  • ” C’est très difficile à habiller les grosses”,
  • ” Il ne faut pas se voiler la face en disant que l’on veut voir des grosses bien dans leurs corps ça n’existe pas”,
  • ” Les grosses c’est comme les gens qui fument elles veulent forcément mincir”,
  • ” On est 4 minces autour de cette table et on prend toutes soin de notre corps”,
  • ” Quand on est rond on n’est pas bien dans sa peau”,
  • ” On veut bien voir des grosses mais on ne veut surtout pas être grosse”,
  • ” Les rondes ne peuvent pas bien s’habiller ».

Big is beautiful!

Fort heureusement, les mentalités commencent à changer, et nous avançons doucement mais sûrement vers un peu plus de tolérance comme nous avons pu le voir pour le plaisir de tous avec les magasins suédois Åhléns  qui ont lancé des mannequins aux dimensions réelles qui respectent les formes et l’harmonie du corps des femmes d’aujourd’hui et s’affichant avec de jolies hanches arrondies, un petit ventre et des fesses rebondies et qui ose enfin dire non à la dictature du 34, comme vous pouvez le voir ci-dessus. Une mini-révolution que l’on retrouve aussi chez Kellogg’s avec cette pub de Spécial K qui au lieu de proposer des régimes, de faire attention à sa ligne ou je ne sais quoi d’autre postule simplement que le plus important c’est de sentir bien dans son corps, dans une publicité qui je l’avoue m’a grandement fait plaisir.

Après « Touche Pas à Mon Pote » ou encore « Black is Beautiful » pour dénoncer les discriminations, j’attends encore le jour l’on s’insurgera enfin contre la stigmatisation des gros et que l’on verra enfin dans les rues des slogans « Touche Pas à mes Rondeurs » ou « Big is Beautiful ».

Révolutionnairement vôtre.

La Robe Rouge.

5 réflexions sur “Big is beautiful!

  1. La question des canons de beauté est une question de classe. L’aspect physique – et notamment le poids – d’une personne est bien souvent lié à sa catégorie sociale. Les 3 grâces de Velasquez sont 3 « grasses », car c’était le critère de beauté de l’époque. Être gras signifiait alors qu’on avait les ressources pour manger à sa faim tous les jours. Aujourd’hui, c’est une démarche similaire qui fait des personnes minces des personnes belles. Ce sont les plus aisés qui peuvent se nourrir avec les produits de bonne qualité, les plus pauvres n’ayant trop souvent pas les moyens financiers de consommer les fameux « 5 fruits et légumes par jour ». Statistiquement, il y a plus d’obèses chez les pauvres, et le jugement esthétique qui en découle est celui d’un « physique de classes ». Et il ne s’agit pas que de poids et d’alimentation : les plus pauvres n’ont pas accès à l’élégance de la « mode », aux produits de beauté les plus onéreux etc. Moralité, dans les canons actuels, on rencontre plus de belles personnes dans le 11ème arrondissement de Paris qu’à la « Cité 4 » de Lens… :-/

  2. Je suis un homme, je suis mince, sortant de l’anorexie mentale et je n’arrive pas à m’habiller. Il semble que pour les hommes ce soit l’effet inverse, énormément de taille 38-40 et plus, mais très peu pour les 36 et moins (le 36 qui taille parfois plus grand pff) Pour preuve, à chaque soldes je me retrouve avec 1 pantalon tout au plus … C’est très gênant. Malheureusement on en parle jamais pour les hommes… De plus, être un homme et être maigre, ce sont des regards et des remarques constantes, et bien-sûr, des emmerdes dans la rue par les petits « caïds ».

  3. Dès l’introduction de votre article : hop point Godwin, belle ouverture. Ça ne présage que du bon, je n’ai pas été déçu. À part chez les enfants, je ne vois guère ce « racisme » anti-grosses et rondes dont vous parlez tant. En revanche le nombre d’article venant défendre les grosses, lui, ne fait qu’augmenter. Ma question : qui créé le clivage ? Si vous souhaitez ne pas être différente, cessez déjà de vous coller dans une case. Il y a les grosses, les normales, et les normales qui pensent être grosse à cause des pubs et de ces articles à la noix.
    Vous décrivez la campagne « Mangez-Bougez » comme une victoire du capitalisme qui favoriserait le fait d’être mince. Je pense en réalité l’inverse, le capitalisme est farouchement défendu par tout ceux et celles qui défendent le fait de manger comme ils le veulent, même (et surtout !) lorsque leur ration quotidienne est 2 ou 3 fois au dessus des besoins. « Allez y, mangez mangez ! On s’en fou si on est gros, de toute façon tout le monde le sera bientôt, et on va faire changez ces vilaines marques pour qu’elles nous vendent des gros habits qui vont avec notre mode de vie » ça c’est du capitalisme, consommation à outrance. Le fait de prendre soin de soi et d’avoir une vision global, -de réfléchir en somme-, semble plutôt la démarche inverse.
    Parce qu’il y a aussi ceux qui sont minces sans rien faire, parce qu’il en on ras le bol de ne JAMAIS trouver de pantalon à leur taille, parce qu’on paye nos fringues plus chère car dans la moyenne il y a plus de tissus mais que ce sera « dégueulasse » de faire payer plus chère ce qui porte 12m² de tissus en plus (…). Alors on doit se sentir coupable d’être mince ? Au final, dans la consommation nous sommes les exclus, oui oui, j’assume. Ou trouve pléthore de badauds près à défendre le sur-poids, la norme tends vers la surcharge pondérale. Et puis il y a aussi ceux qui aimes les minces que vous culpabilisez avec ce genre d’article, de nouveau une caste, une forme de racisme. Je suis d’accord avec l’essence de votre combat mais pas avec la forme et le fond.
    Maintenant il faut quand même ce dire une bonne chose : être gros, c’est dangereux, ce n’est PAS une manière de vivre. Les articulations, le coeur, le système dans son ensemble en prends plein la gueule ce n’est pas fait pour. Entendons nous bien, je ne parle pas des femmes avec des formes, mais bien de l’obésité. D’après votre photo, vous n’êtes PAS grosse. Si les grosses sont belles, c’est un fait et il n’y a pas à écrire tant dessus… Je pencherai plutôt pour défendre le fait qu’une femme normale ne doit pas être assimilée grosse. En attendant les standards perdent la tête, initialement un 36, c’est 36 cm de tour de taille, point barre ! Maintenant ça n’a plus aucune valeur, juste pour ne pas vexer les clientes et vendre quand même ! (vous avez dit capitalisme ?)
    Se sentir bien est une chose, mettre son organisme en danger en est une autre. Un autre danger : celui ce mettre une civilisation complète en danger. Qui paye lorsqu’il y a besoin de soin ? Nous tous, lorsque le sang deviens de la pâte à crêpe et que les genoux s’effrite, allez zou LÀ on touche au vrai capitalisme, à grand renfort de médicaments. Allez regardez du côté des chiffres d’affaires des labos pharma’ et du côté des entreprises de nourriture, vous verrez où il est le capitalisme. Vous vous décrivez comme « à gauche », réfléchissez là vous jouez le jeu des « compagnies supra-nationales » que vous disiez haïr.
    Ce que je répond au « big is beautiful » :
    – que les autres aussi
    – que c’est vrai, mais que ça à une limite
    – que parler anglais tout le temps, ça casse les bonbons et ça coûte chère aussi (https://fr.wikipedia.org/wiki/Rapport_Grin)

    Allez une dernière pour la route : votre photo aide à diffuser l’image des femme fines.
    Le meilleurs moyen de faire taire les journaux, les pubs et la mode, c’est encore de ne pas s’y intéresser.

    Précision -au cas ou- je n’ai rien contre vous, mais c’est lassant toute ces ségrégations et jugements.
    Je vous souhaite une bonne soirée.

    Cordialement,

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